L'Adoption de l'enfant du conjoint , en particulier dans les couples homosexuels suite à la loi du 17 mai 2013 sur le mariage homosexuel
Les contours de l’adoption de l’enfant du conjoint, notamment suite à la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes du même sexe.
1) A titre préalable, il faut savoir que dans deux avis, la Cour de cassation a considéré que le recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP) à l’étranger, par insémination artificielle avec donneur anonyme, ne fait pas obstacle à ce que l’épouse de la mère puisse adopter l’enfant ainsi conçu. (avis n° G1470006 et avis J1470007, du lundi 22 septembre 2014. )
Dans ces deux avis, la Cour de cassation écarte la solution fondée sur la fraude à la loi en matière d’insémination artificielle avec donneur anonyme pratiquée à l’étranger.
En effet, en France, certes sous conditions, cette pratique médicale est autorisée : dès lors, le fait que des femmes y aient eu recours à l’étranger ne heurte aucun principe essentiel du droit français.
La Cour tire ainsi les conséquences de la loi du 17 mai 2013, qui a eu pour effet de permettre, par l’adoption, l’établissement d’un line de filiation entre un enfant et deux personnes de même sexe, sans aucune restriction relative au mode de conception de cet enfant.
La cour rappelle cependant, que, conformément à l’article 353 du code civil et aux engagements internationaux de la France, l’adoption ne peut être prononcée que si les conditions légales sont remplies et si cette même adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant.
La décision de la Cour de cassation va-t-elle s’imposer à tous les tribunaux ?
La décision de la Cour de cassation est un avis consultatif, non contraignant, même s’il devrait influencer très fortement les décisions à venir et vise à unifier plus rapidement l’interprétation du droit et à assurer la prévention des contentieux et voies de recours.
2) La procédure d’adoption de l’enfant du conjoint obéit aux règles de procédure ordinaires en la matière.
Ce sont les articles 343-2, 344, 345-1, 348-5, 356, 360, 365 du Code civil qui régissent cette procédure d’adoption.
Mais les conditions sont allégées par rapport aux conditions requises en matière d’adoption. Cela n’empêche pas les Tribunaux d’apprécier l’opportunité de l’adoption.
3) Nature de l’adoption : simple ou plénière. Dans les faits, l’adoption simple de l’enfant biologique du conjoint est plus fréquente que l’adoption plénière. Elle le sera moins dans le cadre de l’adoption de l’enfant du conjoint de même sexe, du moins lorsque l’enfant sera le fruit d’une procréation médicalement assistée, ayant eu lieu à l’étranger.
4) Effets de l’adoption à l’égard du parent conjoint de l’adoptant et de sa famille suivant que l’adoption est simple ou plénière.
- L’adoption plénière de l’enfant du conjoint laisse subsister sa filiation d’origine à l’égard de ce conjoint et de sa famille. Elle produit, pour le surplus, les effets d’une adoption par deux époux. (article 356 alinéa 2 du Code civil). Tout se passe comme si l’enfant était adopté plénièrement par les deux membres du couple – et non pas né d’eux, mais pratiquement cela ne fait pas de différence sensible – à partir du jour de la requête.
- En cas d’adoption simple, il n’existe aucune disposition spécifique. Si ce n’est qu’en cas d'adoption simple d'un enfant du conjoint, l’autorité parentale est confiée exclusivement au conjoint de l’adoptant sauf s’il y a eu une déclaration conjointe aux fins d’exercice en commun de l’autorité parentale.
5) Effets de l’adoption à l’égard de l’adoptant et de sa famille suivant que l’adoption est plénière ou simple.
L’adoption plénière ne présente pas de particularité par rapport à une adoption plénière « normale », sauf en ce qui concerne le nom de l’adopté. Pour les enfants nés après le 1er janvier 2005, en vertu de l’article 357 du code civil (réd L.17 mai 2013), l’adoptant et son conjoint choisissent par déclaration conjointe le nom dévolu à l’enfant mineur : il peut garder celui qu’il avait, ou prendre les noms des deux conjoints dans l’ordre choisi par eux, dans la limite d’un nom pour chacun d’eux s’ils ont des doubles noms. En l’absence de déclaration conjointe, il prend le nom de l’adoptant et celui de son conjoint, dans la limite du premier nom de chacun s’ils ont des noms doubles, par ordre alphabétique. En ce qui concerne l’état civil de l’adopté, son acte de naissance originaire est annulé. La transcription de l’adoption lui tenant lieu d’acte de naissance et indique comme parents le parent conjoint de l’adoptant et l’adoptant.
L’adoption simple ne confère au parent adoptif que la titularité de l’autorité parentale, pas son exercice, sauf déclaration conjointe. On peut se demander si une fois la déclaration faite, une déclaration en sens inverse est possible, ou si le juge aux affaires familiales serait compétent pour revenir sur l’exercice en commun de l’autorité ainsi décidé.
Concernant le nom et l’état civil, l’article 363 alinéa 4 (réd Loi du 17 mai 2013) prévoit que, en cas d’adoption de l’enfant du conjoint, le tribunal peut décider, à la demande de l’adoptant que l’adopté, même mineur conservera son nom d’origine.
L’acte de naissance de l’adopté n’étant pas annulé, l’adoption simple figurera en marge de celui-ci, avec indication du nouveau nom de l’adopté s’il en change.
6) Dispositions générales concernant l’adoption simple et l’adoption plénière :
L'adoption simple crée un lien de filiation entre l'adoptant et l'adopté.
L'adoption simple diffère de l'adoption plénière sur plusieurs points, en particulier concernant les liens avec la famille d'origine. Dans une adoption simple, les liens entre l'adopté et sa famille d'origine ne sont pas rompus.
En pratique, le recours à l'adoption simple concerne en majorité une personne de sa famille, en particulier l'enfant de son conjoint.
Depuis la loi du 5 juillet 1996, l’adoption plénière de l’enfant biologique du conjoint est la solution qui permet le mieux à l’enfant d’être rattaché au couple, et ne lèse pas une famille d’origine qui n’existe pas en droit.
Dans l’adoption simple, l’adopté conserve tous ses droits avec sa famille d’origine. Dans l’adoption plénière les liens avec la famille d’origine de l’adopté sont rompus.
Dans l’adoption simple, s’il s’agit de l’adoption de l’enfant du conjoint, celui-ci conserve seul l’exercice de l’autorité parentale sauf déclaration conjointe devant le greffier en chef du Tribunal de Grande Instance.
Dans l’adoption plénière, l’autorité parentale est exercée en commun en cas d’adoption de l’enfant du conjoint.
Dans l’adoption simple, concernant les successions : l’adopté simple garde tous ses droits héréditaires dans sa famille d’origine (article 364 alinéa 1er du Code civil) et dans sa famille adoptive, il a les mêmes droits qu’un enfant biologique, droits dont bénéficient aussi ses propres descendants. Il en est différemment en matière fiscal.
Dans l’adoption plénière, l’adopté a dans la famille de l’adoptant les mêmes droits et les mêmes obligations qu’un enfant issu de ses parents. L’adopté bénéficie donc des droits successoraux les plus complets dans le patrimoine de ses parents, ascendants et collatéraux pour les successions ouvertes après le dépôt de la requête.
7) Place de l’enfant
L’adoption fait partie des procédures au cours desquelles le mineur capable de discernement doit être entendu, s’il le demande, dans les conditions de l’article 388-1 du Code civil.
8) Place des tiers
En tant que tels, les tiers (les membres de sa famille) peuvent être autorisés à consulter le dossier et s’en faire délivrer copie s’ils justifient d’un intérêt légitime. (article 29 du Code de Procédure civile)
La question de savoir si les tiers peuvent intervenir volontairement à l’instance, pour élever une prétention contraire à celle du requérant ( article 329 alinéa 1er du CPC) est plus délicate car ils doivent, pour qu’elle soit recevable, avoir « le droit d’agir relativement à cette prétention » (article 329, alinéa 2)
9) Procédure :
Ce sont les articles 1166 à 1176, et 1178-1 du Code de Procédure civile qui encadrent spécifiquement la procédure en adoption, simple ou plénière qui se fait par voie de requête au auprès du Tribunal de Grande Instance du domicile du requérant, dans le cas qui nous intéresse.
Dans un souci de célérité, le jugement doit normalement être rendu dans les six mois à compter du moment où le Tribunal est saisi.
Alors que le jugement d’adoption n’a pas à être motivé, le jugement en refus d’adoption doit au contraire, être motivé : conditions légales non remplies, risque de compromettre la vie familiale si l’adoptant a des descendants, et intérêt de l’enfant sont les trois motifs possibles de rejet de la requête. (articles 353 alinéa 1er et 2 du Code civil).
10) Voies de recours
- Appel : les jugements rendus en matière d’adoption sont susceptibles d’appel. Sont toujours autorisés à utiliser cette voie de recours les adoptants parce qu’ils sont parties principales à l’instance, et le ministère public parce qu’un texte le prévoit (article 1176 du CPC). Mais le sont aussi les tiers auxquels le jugement aura été notifié (article 546 alinéa 2 du CPC) : il peut s’agir des membres de la famille d’origine de l’adopté autre que ses parents. Il a été jugé que l’appel était ouvert au conjoint de l’adoptant qui, après avoir consenti à l’adoption s’était rétracté.
- Le délai d’appel est de 15 jours à compter de la notification du jugement.
- Pourvoi en cassation : doit être formé dans un délai de deux mois de la notification de l’arrêt d’appel.
- Tierce opposition : La tierce opposition est ouverte sans limitation particulière , ni quant aux personnes admises à l’exercer (article 353-2 du Code civil), ni quant au délai pour la mettre en œuvre (trente ans si elle est faîte à titre principal article 586 et suivants du Code de Procédure Civil)
La tierce opposition suppose un dol ou une fraude, imputable à l’adoptant.
11) La Révocation
L’adoption simple peut être révoquée pour motifs graves, en application de l’article 370 du code civil. La révocation de l’adoption simple faisant cesser pour l’avenir tous les effets de celle-ci.
L’adoption plénière est irrévocable, en application de l’article 359 du Code civil.
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