La Protection des témoins et le statut de repenti : un statut particulier
La protection des témoins et le statut de repenti
Classiquement, un procès est envisagé comme mettant en concurrence un ou plusieurs mis en causes et une ou plusieurs victimes : la défense et la partie civile. Toutefois, il convient aussi de prendre en compte l’intervention deux catégories de personnes, plus atypiques : les témoins et les repentis. En raison du rôle très important qu’ils peuvent jouer dans le dénouement d’une affaire pénale, ils font l’objet de statuts particuliers.
I. La protection des témoins
Le témoignage anonyme
Le Code de procédure pénale prévoit que lorsqu’une personne est entendue à titre de témoin, le procès-verbal qui retranscrit sa déposition peut indiquer une adresse autre que son adresse personnelle (adresse du commissariat, adresse professionnelle).
En revanche, lorsque la procédure concerne une infraction punie d’au moins 3 ans d’emprisonnement, et que le témoignage de la personne auditionnée « est susceptible de mettre gravement en danger » sa vie ou son intégrité physique, celle des membres de sa famille ou de ses proches, il est possible de demander qu’elle témoigne sous anonymat (article 706-58 du Code de procédure pénale).
Elle peut même utiliser un nom d’emprunt.
Les limites du témoignage anonyme
Néanmoins l’anonymat ne pourra être garanti si « la connaissance de l'identité de la personne est indispensable à l'exercice des droits de la défense » (article 706-60 du Code de procédure pénale).
Ainsi, le mis en examen peut contester le secret de l’identité du témoin et dans ce cas, il y a deux possibilités :
- Soit l’audition du témoin est annulée ;
- Soit l’identité du témoin est révélée à condition qu’il l’ait acceptée.
Une confrontation du mis en examen avec le témoin ayant déposé de façon anonyme peut être organisée : dans ce cas, un dispositif de modification de voix est utilisé pour préserver l’anonymat du témoin (article 706-61 du Code de procédure pénale).
En tout état de cause, la valeur d’un témoignage anonyme est nécessairement réduite et aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations anonymes du témoin.
La sanction de la violation de l’anonymat
Le fait de révéler l'identité d'un témoin ou de diffuser des informations permettant son identification ou sa localisation est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende (article 706-62-1 du Code de procédure pénale).
Lorsque cette révélation a entrainé des violences à l'encontre de cette personne ou de ses proches, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende.
Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 € d'amende lorsque cette révélation a entrainé la mort du témoin ou de l’un de ses proches (article 706-62-2 du Code de procédure pénale).
II. Le statut de repenti
Pour faciliter la dénonciation de crimes d’une particulière gravité et l’identification de leurs auteurs ou complices, la loi prévoit, pour certaines infractions, une réduction de peine voir une exemption de peine pour les personnes qui, bien qu’impliquées dans la commission de ces infractions (tentative, auteur, complice), avertissent l’autorité judiciaire ou administrative et permettent ainsi de faire cesser l'infraction, d'éviter qu’elle ne produise un dommage ou d'identifier les autres auteurs ou complices (article 132-78 du Code de procédure pénale).
L’exemption et la réduction de peine des personnes dites « repenties » trouvent plusieurs applications dans le Code pénal :
- En matière de trafic de stupéfiants, l’article 222-43 du Code pénal prévoit que la peine est réduite de moitié si l’auteur ou le complice des infractions liées au trafic de stupéfiants (direction, organisation, production, importation, cession…) avertit les autorités administratives ou judiciaires et permet ainsi « de faire cesser les agissements incriminés et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables. »
Dans le cas où la personne n’est pas auteur ou complice mais a seulement tenté de commettre ces infractions sans passer à l’acte, elle peut même être exemptée de peine (article 222-43-1 du Code pénal).
- En matière de proxénétisme, une réduction de la moitié de la peine est prévue pour l’auteur ou le complice qui, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, a permis « de faire cesser l'infraction ou d'éviter que l'infraction n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente et d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices » (article 225-11-1 du Code pénal).
- En matière de traite d’êtres humains, une exemption et une réduction de peine sont prévues par l’article 225-4-9 du Code pénal.
Assurer aux repentis un bénéfice résultant de leur collaboration avec la justice représente un véritable atout pour la justice notamment pour le démantèlement de réseaux très fermés (trafic de stupéfiants, proxénétisme…).
Conscient de cet enjeu, le ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti, a récemment annoncé vouloir réformer le statut de repenti. Les deux points essentiels de cette réforme sont les suivants :
- D’une part, étendre l’exemption de peine aux repentis, qu’ils soient auteurs ou complices de l’infraction, l’exemption de peine étant pour le moment réservé au repenti au titre de la tentative de l’infraction. Inspiré du modèle italien, ce statut du repenti amélioré pourrait s’appliquer à toute personne impliquée dans ces délits ou ces crimes, à condition que les déclarations faites aient été déterminantes et aient permis de démanteler des réseaux criminels.
Ce projet suscite de vifs débats dans la mesure où cela revient admettre que les auteurs de délits ou de crimes bénéficient d’une impunité pour avoir collaboré avec la police ou la justice.
- D’autre part, le ministre de la Justice a proposé la création d’un « parquet national anticriminalité organisée », sur le modèle du parquet national antiterroriste. Il faudra regarder de plus près les modalités d’organisation de ce nouveau parquet mais il faut noter qu’il existe déjà des juridictions interrégionales spécialisées en matière de crime organisé, implantées dans 8 régions françaises, créées en 2004 par la loi Perben II, et qui permettent notamment le recours à des techniques spéciales d’enquête.
Cette annonce de réforme du garde des Sceaux s’inscrit dans le cadre des opérations « Place nette » qui ont débuté au mois de mars 2024 et qui visent à éradiquer le trafic de stupéfiants et la délinquance organisée qui gangrènent de nombreuses villes en France. Ces opérations ont pour objectif de démanteler durablement les réseaux de criminalité en s’en prenant aux têtes de réseaux, ce qui implique une collaboration renforcée entre la police et la justice.
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