L'aveu est-il une preuve parfaite et suffisante pour établir la culpabilité?
L’aveu, un mode de preuve faillible?
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I – Qu’est-ce qu’un aveu ?
· Définition de l’aveu
L’aveu est une déclaration par laquelle une personne tient pour vrai un fait qui peut produire contre elle des conséquences juridiques.
En droit pénal, il s’agit de la reconnaissance par un délinquant du ou des faits délictueux qui lui sont reprochés.
En droit civil, on distingue l’aveu judiciaire et l’aveu extrajudiciaire :
- L’aveu est judiciaire lorsqu’il est formulé par une déclaration en justice.
- L’aveu est extrajudiciaire lorsqu’il est fait hors la présence du juge ou fait en justice mais devant une autre instance.
· Valeur juridique de l’aveu
D’abord, il convient de rappeler que le droit pénal est gouverné par un principe de liberté de la preuve. En effet, l’article 427 du Code de procédure pénale dispose : « Hors les cas où la loi dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide selon son intime conviction ».
Ainsi, l’aveu étant un mode de preuve parmi d’autres, il peut être retenu par le juge afin de décider de la culpabilité d’un prévenu.
Tel que rappelé par la Cour de cassation, ni l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme (Conv. EDH), ni l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) n’excluent l’aveu des éléments de preuve pouvant être retenus pour fonder une déclaration de culpabilité (Cass. crim., 18 décembre 1969).
D’ailleurs, l’article 428 du Code de procédure pénale précise : « L'aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation des juges. »
A la différence du juge civil, le juge pénal n’est lié par aucune preuve puisqu’il décide selon son intime conviction. Il peut donc écarter un aveu fait par un prévenu si bon lui semble, ou, au contraire, le retenir à charge.
Toutefois, la lutte contre l’arbitraire impose au juge de motiver ses arrêts de condamnation.
· Caractère non-définitif des aveux
En tout état de cause, l’aveu peut être rétracté par son auteur par le moyen d’une simple déclaration. Ainsi, l’auteur présumé d’une infraction n’est jamais définitivement lié par les déclarations qu’il a préalablement pu faire.
La Cour de cassation apporte quelques précisions sur le caractère non-définitif des aveux :
- Les aveux peuvent être rétractés au moyen d’une déclaration qui peut intervenir à tout moment de la procédure et jusqu’à la clôture des débats (Cass. crim., 28 juillet 1881) ;
- Cependant, les juges demeurent libres d’apprécier souverainement la valeur d’une telle rétractation (Cass. crim., 18 décembre 1969).
II – L’encadrement de l’aveu
· Le droit de ne pas s’auto-incriminer et le droit de garder le silence
Aux termes de l’article 63-1 du Code de procédure pénale, toute personne placée en garde à vue doit nécessairement et immédiatement se voir notifier ses droits.
Parmi ces droits, figure celui de faire des déclarations ou de se taire. Ce droit fait partie, selon la Cour européenne des droits de l’Homme (Cour EDH), de l’un des éléments essentiels du droit à un procès équitable (Cour EDH, 17 décembre 1996, Saunders c. Royaume-Uni). Le Conseil constitutionnel adopte la même position en considérant que le droit de se taire ou de faire des déclarations fait partie inhérente des droits de la défense des justiciables (C. const., 20 juillet 2010, n° 2010-14/22 QPC).
Ces droits reconnus à la personne gardée à vue sont nécessaires à la régularité de cette mesure. C’est pourquoi, en se référant à l’article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, la Cour de cassation juge que tout oubli ou retard dans la notification de ces droits fait nécessairement grief à l’individu concerné par la mesure de garde à vue (Cass. crim., 17 janvier 2012).
Toute personne placée en garde à vue doit donc être informée des droits dont elle bénéficie, notamment du droit de faire des déclarations ou de se taire. Par conséquent, une personne ne peut jamais être contrainte à passer aux aveux durant sa garde à vue. Si tel était le cas, cette mesure encourrait la nullité.
· La présence de l’avocat lors des auditions
En outre, la réforme du 14 avril 2011 a profondément modifié le régime procédural de la garde à vue et, sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’Homme, le législateur a imposé la présence de l’avocat durant cette mesure.
C’est une obligation de moyens qui incombe à l’Officier de police judiciaire (OPJ) à qui il revient d’informer l’avocat de la personne gardée à vue de la mesure dont elle fait l’objet, ou encore d’en informer le bâtonnier afin qu’un avocat lui soit commis d’office. Il s’agit en effet d’une obligation de moyens car est prévu un délai de carence de deux heures aux termes duquel, si l’avocat ne s’est toujours pas présenté, les enquêteurs vont pouvoir commencer à auditionner la personne gardée à vue.
Bien qu’il ne s’agisse que d’une obligation de moyens et non d’une obligation de résultat, conformément à l’article préliminaire du Code de procédure pénale, « aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui ».
De même, si la personne gardée à vue avait refusé de se faire assister par un avocat, aucune condamnation ne pourrait être prononcée à son encontre sur le seul fondement de déclarations qu’elle aurait faites au cours de sa garde à vue.
Ainsi, les aveux d’une personne qui n’aurait pas été assistée par un avocat ne peuvent fonder, à eux seuls, une déclaration de culpabilité, et ce en application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme relatif au droit à un procès équitable (Cass. crim., 11 mai 2011).
Les aveux peuvent néanmoins fonder une décision de condamnation s’ils sont corroborés avec d’autres éléments de preuve (Cass. crim., 6 décembre 2011).
· Une procédure encadrée
Afin d’être valables, les aveux doivent être établis régulièrement dans un procès-verbal. Si tel n’est pas le cas, les aveux n’ont aucune force probante conformément à l’article 429 du Code de procédure pénale selon lequel « tout procès-verbal ou rapport n’a de valeur probante que s’il est régulier en la forme, si son auteur a agi dans l’exercice de ses fonctions et a rapporté sur une matière de sa compétence ce qu’il a vu, entendu ou constaté personnellement ».
Par exemple, les confidences faites par une personne mise en examen aux officiers de police judiciaire ne peuvent être retranscrites dans les procès-verbaux et ne sont, par conséquent, pas assimilables à des aveux (Cass. crim., 5 mars 2013). Un officier de police judiciaire ne peut pas non plus effectuer, contre le gré de l’intéressé, la transcription de propos tenus officieusement pendant la garde à vue (Cass. crim., 3 avril 2007).
De même, un aveu obtenu par un stratagème déloyal entraînera également la nullité de la garde à vue et ipso facto de l’aveu lui-même (Cass. Ass. plén., 6 mars 2015).
Pareillement, la Cour de cassation censure les arrêts de condamnation motivés par la reconnaissance des faits exprimés au cours d’une procédure de Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ayant échoué, faute d’accord sur la peine (Cass. crim., 17 septembre 2008).
Conclusion
Auparavant, l’aveu constituait un mode de preuve parfait.
Cependant, le développement des moyens techniques d’enquête tels que la géolocalisation, la surveillance électronique, l’infiltration et les prouesses en matière d’ADN ont changé l’appréhension de l’aveu dans la procédure pénale allant parfois jusqu’à le discréditer.
Plus important encore, l’exigence de présence de l’avocat pendant la garde à vue a fait de l’aveu un moyen de preuve obsolète et dépassé par ces nouvelles techniques d’enquête.
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